Quand l'animal laisse place à l'homme

Alors que la tension montait une porte s'ouvrit et se referma aussi tôt. Devant elle se dressait désormais Xenos, l'amnésique. Il était là car il n'avait nul autre lieu où dormir. Etrangement il s'y sentait assez en sécurité, quoique la forêt à l'extérieur d'Ordenum lui soit encore plus rassurante. Il lisait dans ce qui était censé être ses appartements. Il y avait trouvé des textes écrits certainement de sa main, mais cela ne lui rappelait rien. Il était comme observateur de la vie d'un autre homme que lui. Ici il avait devant lui deux Loups, ou plutôt une Louve, et un ancien Loup. Ces deux êtres auraient été des amis à lui, mais une fois de plus, cela ne lui disait rien. Il observait la scène, regardant la position de chacun, leur expression. Lui même était un peu replié, les épaules presque rentrées, comme un animal dans l'antre d'un prédateur. Il ne se sentait pas à sa place ici. Il pensait gêner, et l'était lui même. Timidement il haussa la voix:

Bonjour.

Ce fut tout ce qu'il put dire. Il restait là, debout devant la porte, transferant son poids d'un pied sur l'autre. Ses traits étaient tirés de fatigue, et cela accentuait la trace que laissait la cicatrice sur son visage. Ses yeux, définitivement jaunes, brillaient d'un feu caché.

L'olympien sursauta lorsqu'elle se leva, et se raidit même un instant. Puis se rendant compte qu'il n'y avait aucune hostilité il essaya de se détendre. Ses yeux allèrent du sol aux agates de feu qu'étaient les pupilles d'Althéa. Il cherchait ses mots.

Je...je crains que ces rumeurs ne soient fondées.

Il était toujours à passer d'un pied sur l'autre, les mains dans le dos. Ses cheveux, toujours indisciplinés, encadraient son visage assez sombrement. Sa peau pâle comme un reflet de lune n'en ressortait que plus. Il était en un sens, encore plus fantômatique qu'avant. Plus, irréel, moins palpable.

Tes amis ont coupé un peu court nos échanges verbaux il faut avouer.

Il parlait d'un voix neutre, semblant ne presque rien sentir de cette nouvelle mort. Mais dans ces yeux quelque chose vibrait plus que d'accoutumée lorsqu'il parlait ou songeait a styx. Ce lieu était visiblement important pour l'assassin.

Xenos prit le verre puis alla s'asseoir contre le mur près de la cheminée. Il réfléchit quelques instants avant de reprendre la conversation.

Mon premier souvenir est un noir profond, irréel, troublé de violentes flammes rougeâtres, encensées par les allées et venues de spectre. Du moins appris je plus tard que s'en était. Ce lieu ne me rappelait rien, je ne savais pas où j'allais. J'étais seul, rapière à la main. Hormis ces effets je n'avais rien. Pas de journal, de papier ou quoi que ce soit. Juste une tête de loup stylisée sur mon habit. Mais cela ne me signifiait pas plus que la pénombre où je me trouvais. Je ne sentais rien, ni peur ni joie, ni froid ni chaleur. J'avançais dans les ombres, perdant toute notion du temps. J'étais seul, du moins seul à avoir un corps tangible. Aucun son, aucun écho, sauf peut être directement nés dans ma tête. Je ne me souvenais pas comment j'y étais arrivé, ni qui j'étais.

Un jour j'arrivais près d'une sorte de grand maëlstrom de lumière bleu violacé. N'ayant rien d'autre à faire je pris sur moi de passer au travers. Et là la lumière me jeta à terre. Je restais aveuglé pendant de longues heures. J'étais dans une ville apparemment, mais je ne reconnaissais rien, ni bâtiment ni être qui s'y promenait. Je sortis alors et commençais à marcher, essayant de trouver un lieu qui me fut commun. Mais je n'eus guère de réussite.

Au bout d'un temps je perçus quelques regards, et ententis des discussion où un nom revenait assez souvent lorsque les gens me regardaient: Xenos. A force j'en déduisis que cela était mon nom. Je passa beaucoup de temps à essayer de retrouver un souvenir accroché à ce mot, mais rien. J'amorçais alors avec quelques peurs la conversation avec certains. Apparemment j'étais connu de cette ville. J'étais, une sorte de chevalier, un être à la solde du chef de la ville. Je rencontrais certains qui se disaient avoir été mes frères d'armes et un ambassadeur. Je fus étonné de connaître quelqu'un de si haut placé, encore plus que d'avoir fait partie de la garde d'une ville. Je ne me sentais pas l'âme d'un combattant, ni la fierté d'un guerrier. Encore moins l'assurance de quelqu'un ayant eu à faire à la vie politique.

Toujours perdu je fis un peu route avec certains qui disaient m'avoir connus et ne semblaient pas mettre ma vie en danger: Heldria, Cormag et Herik Denoisel. Des noms faciles à retenir en somme puisque en quelque sorte, je n'en ai connu aucun autre auparavant. Heldria proposa un entraînement. Elle regardait avec avidité ma rapière dans son fourreau. J'eus beau lui dire que je ne savais pas m'en servir elle m'attaqua sans vergogne, un sourire aux lèvres. Sans comprendre à ce qui se passait je me vis quelques secondes plus tard ferrailler avec elle. Visiblement mon corps se souvenait de plus de choses que moi même.

Bref j'allais ensuite de surprise en surprise, reconnu par des géants, nains et autres peuplades. Et par des gens qui semblaient ennemis à l'empire, chose qui m'étonna puisqu'on m'avait dit que les Chevaliers Noirs étaient au service de l'empire. Je commençais alors à me poser des questions sur mon intégrité. Enfin, cela ne me rappelait rien et ne m'infligeait rien. Je ne me rappelle pas avoir senti quoi que ce soit ou éprouvé quoi que ce soit depuis mon éveil. Ormis de la frustration du fait de mon amnésie. J'ai rencontré Slash, votre meneur je crois. Cet homme est impressionnant, de suite je me sentis à l'aise avec lui, sans comprendre pourquoi. Je restais un peu avec lui, pas longtemps. Mais je le retrouvais plus tard aussi, durant la guerre contre les elfes. Il me demanda de tuer, si j'en avais le coeur. Il avait apparemment appris que je ne goûtais pas aux joies de certains quant à infliger blessures et morts aux autres. Toutefois je lui demandais s'il mettait en péril la sécurité de la ville, à quoi il me répondit par la positive. J'accédais alors à sa demande. Je rejoignis la cible, et l'attaquais avec ma lame, mais il était endurant et cela ne le peinait guère...alors...une chose étrange arriva, je fis un simple geste de la main, et je le vis propulsé comme sous le coup d'un géant. Je ne compris pas tout de suite, mais cela se répéta. On m'apprit plus tard qu'il s'agissait de magie, j'en avais une faible connaissance disaient les prêtres. Encore un point noir de plus dans ma mémoire crépusculaire.

Je suis mort quelques temps plus tard au combat, alors je compris enfin ce qu'était ce lieu où je m'étais eveillé. A mon retour à la surface en effet je parlais avec des hommes de foi, et ils m'avouèrent que ce lieu était le styx, domaine priviligié du dieu Hadès. Je ne savais guère ce qu'étaient les dieux et restait quelques heures à en discourir. Puis je retournais au front, faisant plus attention, réagissant un peu moins par instinct, un peu plus par réflexion.


Voilà à peu prés ce dont je me souviens.

Xenos regarda son verre un instant puis l'avala d'un trait, fatigué par ce long monologue, d'autant plus qu'il ne parlait que trés peu depuis son second éveil.

Le silence dura quelques courts instants avec que l'amnésique ne réponde.

Merci.
Mais je ne vois pas comment faire non plus alors....je ne risque pas de t'en blâmer.


Xenos regardait son verre d'eau, elle n'avait pour lui aucun goût. S'il n'avait pas fallu à son corps de quoi s'hydrater il aurait volontiers évité d'en prendre. Mais son corps se rappelait à lui malgré tout. Il restait vivant même si certains de ses sens avaient diminué.

Xenos fit un léger signe de tête à Althéa et sans s'en rendre compte avant de l'avoir fait, avait passé sa main sur la joue droite de l'olympienne. Puis la laissant partir il regarda de nouveau Bahel', finissant son verre.

Alors....ami...qu'est donc tu venu faire ici? De quoi voulais tu parler?